mardi, septembre 30

Abdelghani Megherbi vouait un amour indéfectible envers son pays, l’Algérie. Il en portait les stigmates dans toutes ses publications et ses écrits pendant sa longue carrière de sociologue et d’écrivain. Très jeune, Abdelghani avait hérité d’un engouement noble envers les manuscrits et tout ce qui se griffonner sur un livre ou une ardoise.

Il parlait, souvent, d’un être qui lui était cher, son grand-père maternel  » Dada  ». Il était sa source d’inspiration et d’admiration. Érudit, Dada était le Cadi (juge musulman) de la capitale de Zibans,Biskra.

M.Megherbi était imprégné par la farouche résistance des populations des Zibans qui ont mené une lutte héroïque face aux troupes coloniales. La fameuse bataille de Zaatcha menée en 1849 par Cheikh Ahmed Bou Ziane a laissé un indélébile arrière-goût amer à l’occupant français.

Ben Mhidi m’a appris à monter à vélo et aussi à m’assumer comme homme libre

Vint l’appel du 1ᵉʳ novembre 1954, Abdelghani a suivi les pas du voisin qui habitait la même ruelle de son quartier, feu Larbi Ben mhidi, l’un des chefs historiques de la révolution algérienne.

« Ben Mhidi m’a appris à monter à vélo et aussi à m’assumer comme homme libre », déclara un jour le sociologue. Cette maxime a illuminé sa lanterne. Un sinueuse joute l’attendait aux confins des montagnes des Aurès ainsi qu’en métropole française. Une seule chose le guidait. Voir son pays recouvrir son indépendance.

En 1984, j’ai pris le chemin d’une palmeraie que je ne saurais situer sur la carte. Accueillis, moi et mon père, par une dame avec une hospitalité proverbiale. Elle semblait bien connaître le convive écrivain. Sa maison était faite de Toub (briques de terre crue séchées au soleil) et de troncs de palmiers. Après avoir pris congé, j’étais pris d’une avide curiosité. Qui était-ce cette personne ?

Stupéfait, j’ai su que nous venions de rendre visite à la maman du colonel Chaabani Mohamed, chef de la wilaya VI.

M. Megherbi avait une vision fantasmagorique de la sociologie

Musicien mélomane, il arpentait les années de son enfance pour nous faire valser sur des joutes musicales. L’harmonica était son dada. L’esplanade fut belle à chaque fois. L’enthousiasme innocent de ma fratrie était bercé par les mélodies jouées , avec brio, par l’écrivain musicien. Comme était poignante notre insouciance. Lorsque la fin de l’été pointait du nez, le bruit strident du tocsin tonnait. Il fallait bouquiner sans relâche. L’œil inquisiteur du professeur veillait au grain.

M. Megherbi avait une vision fantasmagorique de la sociologie. Mais cela ne l’a pas départi d’une rigueur spartiate lorsqu’il s’agit d’éclairer sur un sujet d’importance. J’avais osé un jour le sermonner sur le fait qu’il relisait souvent un même manuscrit. Cela durant des années. La réplique du professeur me laissa pantois. Je devais, selon lui, m’engager dans la lecture d’un ouvrage au lieu de poiroter pour questionner à tout vent.

Curiosité insatiable et rigueur méthodologique furent les socles de sa profuse production académique. Ses livres sont conservés dans les plus prestigieuses bibliothèques du monde. Bibliothèques nationales de Russie, du Japon, du Canada, des États-Unis d’Amérique, de France, du Royaume de Belgique, de Tunisie, du Royaume du Maroc. La liste est longue.

Professeur émérite de l’université algérienne

Abdelghani Megherbi est titulaire d’un doctorat d’État ès lettres et sciences humaines de la Sorbonne, ainsi que d’un doctorat en philosophie.

Académicien majeur de la sociologie algériennesa longévité dans le champ universitaire a été couronnée par sa nomination, à titre posthume, comme professeur émérite de l’université algérienne.

Il a enrichi la réflexion sur la culture, le cinéma, la décolonisation et la sociologie d’Ibn Khaldoun, en liant tradition et modernité.

Son livre culte La Pensée sociologique d’Ibn Khaldoun reste une référence de premier plan pour découvrir l’œuvre colossale d’Ibn Khaldoun (1332-1406) qu’il considère comme le pionnier de la sociologie, bien avant les penseurs européens comme Auguste Comte ou Durkheim.

 

Par Wahid Megherbi