Par Radouane Bnou-nouçair
La communauté maghrébine vient d’exprimer, à deux occasions, cet été, un fort sentiment d’appartenance aux pays d’origine. Ces explosions de joie forcent le respect mais posent, paradoxalement, le problème de l’intégration au pays d’accueil.
La communauté maghrébine au Québec a eu, cet été, deux occasions d’exprimer tout son amour et un très fort sentiment d’appartenance aux pays d’origine.
C’est ainsi que les algériens sont sortis, au début du mois de juillet, dans les rues de Montréal, notamment sur Jean Talon, pour manifester leur bonheur et la joie que leur a procuré l’excellent parcours de la sélection nationale d’Algérie en coupe du monde de football organisée au Brésil.
Quelques jours plus tard, les marocains, par milliers, se sont regroupés dans les parcs de Montréal, pour exprimer leur indéfectible attachement à la monarchie marocaine à l’occasion de la fête du trône (anniversaire de l’intronisation du Roi Mohamed VI) et, du même coup, extérioriser leur amour du pays d’origine.
Les paradoxes des manifestations expansives
Ces manifestations de joie expriment indéniablement le profond attachement de l’ensemble des maghrébins à leurs pays d’origine; ce qui est légitime et très compréhensible.
Cependant, elles soulèvent inévitablement des questionnements qui illustrent un certain nombre de paradoxes.
Le premier paradoxe : comment se fait-il que des personnes qui ont choisi de quitter volontairement leur pays d’origine, éprouvent le besoin, même légitime, de lui exprimer de manière expansive leur amour?
Deuxième paradoxe : Vivant au Québec et au Canada, Comment peut-on expliquer, lors de ces deux manifestations, la rareté ou la quasi absence de drapeaux du Québec et du Canada qui auraient pu exprimer une certaine adhésion au pays d’accueil. Certains diront que ce sont des activités spécifiquement maghrébines mais cela n’empêche pas de poser la question.
La question qui tue
Ces paradoxes poussent vers la question qui tue : Ces manifestations de joie sont-ils l’expression d’un amour expansif pour les pays d’origine ou illustrent-elles la situation d’une communauté en train de se recroqueviller sur elle-même suite à une intégration incomplète?
D’où la nécessité de soulever la problématique de l’intégration de la communauté au Québec.
Les principaux problèmes d’intégration de la communauté sont de deux ordres : économique et culturel.
L’intégration économique et le chômage des maghrébins
L’immigration maghrébine au Canada présente, au moins, trois caractéristiques spécifiques : elle est récente, de qualité (la plupart des membres maîtrisent le français et sont titulaires de diplômes d’études supérieures) et elle est volontaire.
L’effectif de la communauté (pas loin de 200.000 maghrébins sont installés au Canada, dont 80% au Québec) est devenu relativement important. C’est pourquoi, il est nécessaire de rappeler l’évolution de sa situation depuis le début de cette immigration.
Malgré un potentiel d’intégration plus grand que la moyenne, la communauté maghrébine au Canada a subi de plein fouet le chômage, notamment au Québec.
Pour parer aux problèmes du chômage, la communauté a développé un certain nombre de parades. Elles ont essentiellement consisté en la reconversion aux métiers en demande (Chauffeurs de taxi, infirmier, éducatrices, etc.) et à la création de petites entreprises (Garderie, boulangerie, boucherie, etc.). Ce qui a permis à la communauté de s’adapter, dans un premier temps en attendant une intégration plus efficiente.
Ces efforts ont été aidés par des mesures gouvernementales encourageant la discrimination positive qui a permis à certaines entreprises de recruter des immigrants maghrébins.
L’intégration culturelle des maghrébins et l’islamophobie latente
Au Québec, algériens, marocains ou tunisiens sont perçus tous comme maghrébins indépendamment de leurs spécificités et, à ce titre ils sont considérés comme une seule communauté.
Par ailleurs, les médias au Québec, à l’instar de l’ensemble des médias en Amérique du Nord, développent sciemment ou inconsciemment, l’islamophobie. Comme la majorité des maghrébins sont considérés comme des musulmans, ils subissent de plein fouet cette hostilité latente.
Au Québec, ce phénomène de rejet culturel s’est manifesté clairement à deux grandes occasions : pendant les débats sur les accommodements raisonnables, en 2008, et durant la campagne pour le projet de charte de la laicité, pendant la campagne électorale de 2014.
Ce phénomène est particulièrement accentué au Québec du fait qu’une grande partie de la population rejette le multiculturalisme, contrairement aux autres provinces du Canada. Et si la grande majorité des immigrants restent attachés au Québec, c’est uniquement pour des raisons linguistiques. Les maghrébins, récemment colonisés par la France restent très attachés à la langue française qu’ils maitrisent parfaitement.
Mais cette situation risque de ne pas durer et le Québec risque dans le futur de perdre sa population maghrébine dès que cette barrière de la langue pourra être contournée.
Les défis de la communauté maghrébine au Québec
Ils sont nombreux et, en les relevant, la communauté maghrébine apportera les solutions adéquates à ses principaux problèmes d’intégration.
Et le plus gros défi de la communauté est le suivant : Comment s’intégrer au pays d’accueil et imposer le respect tout en restant attaché à sa culture d’origine?
Pour cela, il faudrait, en premier lieu, assurer son indépendance économique, à l’instar des communautés libanaises, italiennes ou chinoises.
Radouane Bnou-nouçair
Photo : photo de festitam Québec maghreb la grande fête